1 – L’alambic Coyac de la distillerie de la Roche aux Fées avec ses deux cuves superposées.
Sur l’ancien site de la brasserie Sainte-Colombe, en Ille-et-Vilaine, Henri Everts a installé la distillerie de la Roche aux Fées (1), utilisant pour élaborer son whisky un étonnant alambic de la marque Coyac, fabriqué à Nantes dans les années 50.
Avec son épouse Gonny, Henri Everts a créé sa brasserie à Sainte-Colombe, au lieu-dit La Landelle, en 1996. Néerlandais d’origine, ils sont venus en France quelques années auparavant, Henri ne trouvant pas de travail comme agriculteur aux Pays-Bas. Brasseur amateur comme son épouse, ils se sont mis progressivement à produire de la bière qui, en raison de sa qualité connaît vite le succès dans la région, et jusqu’à Rennes. Devenus brasseurs à part entière, Henri et Gonny s’installent dans une ferme où ils n’ont pas de terres à cultiver.
De la bière au whisky, il n’y a qu’un pas, et Henri commence à s’intéresser à l’eau-de-vie de céréales en faisant distiller une de ses bières par un bouilleur de cru local à partir de 2010. Sans être lui-même très amateur de spiritueux, la mystérieuse alchimie de la distillation le passionne le plus en plus, au point de se mettre à la recherche de son propre alambic.
DEUX CUVES SUPERPOSEES
2 – Schéma de l’alambic (document provenant du site www.whisky-francais)
Henri Everts fini par trouver vers 2015 un ancien alambic, autrefois ambulant, fabriqué dans les années 50 par un constructeur de Nantes, « Les fils de Ch. Coyac ». Charles Coyac avait créé en 1895 son entreprise pour construire des alambics pour les fruits et le cidre. Les activités, reprises par les descendants de Charles Coyac dureront jusqu’en 1964, avant que la société ne soit reprise sous le nom de Forminox, abandonnant la construction d’alambic pour la chaudronnerie et le cintrage du métal.
La grande originalité de l’alambic Coyac tient dans la superposition des deux cuves de distillation, la première chauffant la seconde lors du processus. De quoi réaliser une double distillation en une seule passe, obtenant en 4 heures 25 litres d’eau-de-vie à 74 % d’alc.vol.
Pour pouvoir utiliser cet alambic antique, Henri Everts a eu quelques soucis, avant de faire la connaissance d’un ancien bouilleur de cru normand qui connaissait un peu ce matériel ancien. Il a aussi remplacé les bûches qui servaient à chauffer la chaudière par des granulés de bois qui donnent une chaleur plus homogène.
300 litres de bière (à base d’orge, de blé, de seigle et de sarrasin) titrant 7,5 ° sont chargés dans la première chaudière. Les vapeurs sont refroidis dans un condenseur (situé dans l’ancien chauffevin) et les bas-vins obtenus vont directement dans la seconde chaudière. Celle-ci, chauffée par la première, réalise la seconde distillation dont les vapeurs sont refroidis dans un premier condenseur, puis dans un deuxième situé au bas de la machine. Après élimination des têtes et des queues, on obtient alors l’eau-de-vie qui est mise en fûts.
Pas un single malt… mais quoi ?
4 – Le whisky Roc’Elf
est conditionné en
bouteille de 50 cl
Ayant comme nom le Roc’Elf, le whisky de la Roche aux Fées ne peut prétendre à l’appellation Single Malt, du fait de la diversité des céréales entrant dans sa composition, certaines n’étant pas maltées. Par ailleurs, Henri Everts n’en commercialise que 2 à 3000 bouteilles de 50 cl chaque année, sans pour autant les millésimer.
Pour le vieillissement, il utilise différents types de fûts : bourbon bien sûr, mais ayant contenu aussi des vins, avec une préférence pour les blancs moelleux : côteaux-du-layon, sauternes, monbazillac principalement. Et c’est l’assemblage des whiskies de ces différents fûts qui est réalisé chaque année, donnant ainsi naissance au Roc’Elf. Mais ce n’est pas pour autant un blend (il n’y a pas d’eau-de-vie de grains dans sa composition) ni un vatted malt ou un pure malt (car toutes les céréales ne sont pas maltées). En tout cas, c’est bien un whisky au regard de la législation… et breton qui plus est, répondant aux normes de l’GP « Whisky de Bretagne » car vieilli dans de deux chais différents, l’un plutôt humide et l’autre plutôt sec.
Titrant 43° après réduction à l’embouteillage, le Roc’Elf présente un nez assez puissant, au nez bien malté sur la pomme cuite et le caramel au beurre. En bouche, l’attaque est assez sèche, mais le corps est plutôt gourmand, sur les mêmes arômes qu’au nez. Au final, il est chaleureux et bien charpenté, avec une agréable persistance maltée et caramélisée. Certes, rien d’extravagant ni de franchement original, mais un bon compagnon pour se requinquer après une longue balade dans la campagne bretonne.
Gilbert Delos
3 – Henri Everts dans l’un de ses chais de vieillissement.
(1) Située non loin de la distillerie, la Roche aux Fées est un dolmen impressionnant de près de 20 mètres de long, 6 mètres de large et 4 mètres de haut, réalisé avec des pierres pouvant peser jusqu’à 40 tonnes chacune. Son origine n’est pas clairement établie, mais la légende locale affirme que ce sont des fées qui l’ont construit.