Apparu dans les années 2000, le whisky d’Alsace fait désormais l’objet d’une définition
réglementée, car la profession s’est mobilisée pour la mettre au point dans un cadre
européen. C’est la première région de France à obtenir une telle réglementation, elle
concerne aussi quatre eaux-de-vie traditionnelles de la région.
L’apparition des premiers whiskies alsaciens découle, on serait tenté de dire fort logiquement,
de l’existence de deux savoir-faire propres à la région : la production de bière et la distillation d’eaux-de-vie, qui sont ici très anciennes. A se demander d’ailleurs pourquoi ce spiritueux n’est pas apparu plus tôt dans la région…
En fait le processus est né sans doute d’une double démarche. D’une part, les nouveaux brasseurs artisanaux apparus depuis une vingtaine d’années ont cherché à diversifier leurs productions. D’autre part, les distillateurs d’eaux-de-vie de fruits, de qualité mais guère à la mode, ont eu l’idée de se tourner vers un spiritueux en plein boom, tout particulièrement en France.
Tout est venu d’une nouvelle réglementation européenne apparue en 2008 à propos des eaux-de-vie se prévalant d’une indication géographique précise. Elle stipule que, pour pouvoir être maintenue, cette indication doit s’appuyer sur un cahier des charges définissant des règles de qualité précises, établies par un organisme de défense et de gestion des appellations concernées. Et la réglementation précisait que les professionnels devaient mettre en place
ces outils avant le 1er janvier 2015. Or, rien de tout cela n’existait à l’époque, même pour les eaux-de-vie traditionnelles.
Six distilleries, Bertrand et Hepp à Uberach, Hagmeyer à Balbronn, Lehmann à Obernai, Windholtz à Ribeauvillé et Wolfberger à Colmar ont lancé le mouvement pour mobiliser leur profession afin de définir l’indication géographique « Alsace » ; toutes ne sont d’ailleurs pas productrices de whisky, car leur démarche a visé dès le départ l’ensemble des eaux-de-vie alsaciennes, c’est-à-dire le kirsch, la quetsch, la mirabelle et la framboise.
Ils ont donc « réveillé » le syndicat des distillateurs et liquoristes d’Alsace à partir de 2013, afin d’élaborer les cahiers des charges spécifiques à chacune d’entre elles. Ce qui fut fait en janvier 2015, avec leur publication au Journal Officiel. Six mois plus tard, les plans de contrôle correspondants ont été validés par l’INAO.
Qu’est-ce que le whisky alsacien ?
En Alsace, la distillation de jus de fruits pour en faire une eau-de-vie est très ancienne. Ainsi, le kirsch, à base de jus de cerises fermentées, remonterait au moins au XVIIe siècle, le mot, d’origine alsacienne, ayant été ensuite repris dans d’autres régions. Puis, au cours des siècles suivants, sont apparues la quetsch, la mirabelle et enfin la framboise.
Quant à la production de bière, elle est encore bien plus ancienne. Le plus ancien brasseur français connu, Arnoldus le cervoisier, était établi à Strasbourg en 1259 !
Pour compléter ces deux savoir-faire, l’eau est très abondante en Alsace et enfin, grâce à la viticulture, les fûts de chêne nécessaires au vieillissement du whisky ne manquent pas.
Le cahier des charges spécifique du whisky alsacien repose sur les points principaux suivants :
• l’eau nécessaire est puisée en Alsace ;
• le distillat d’orge malté est vieilli au moins trois ans en fûts de chêne ;
• la couleur du whisky est obtenue naturellement par le contact avec le chêne, sans adjonction de caramel ;
• le whisky obtenu, qui est donc un pur malt, titre entre 40 et 65 % d’alc. vol.
Cette charte de qualité fait l’objet d’un contrôle par un organisme externe et indépendant.
Actuellement, il existe cinq distilleries producteurs de whisky d’Alsace : Bertrand et Hepp à Uberach, Lehmann à Obernai, Miclo à Lapoutroie et Mersiol à Dambach-la-Ville. Et tout producteur souhaitant utiliser la mention « whisky d’Alsace » doit non seulement souscrire à ce cahier des charges, mais encore avoir obtenu son adhésion au syndicat professionnel.
Celui-ci regroupe aujourd’hui neuf distilleries alsaciennes, mais aussi les brasseries Meteor, Perle et Uberach, ainsi que des producteurs de fruits de la région. C’est donc toute une filière qui s’est mobilisée pour protéger l’indication géographique de leur région, tout en faisant une place au dernier venu, le whisky.
La production en chiffres
En 2015, la production totale d’eaux-de-vie d’Alsace a atteint le chiffre de 53 000 litres d’alcool
pur, soit 16 600 litres pour le kirsch, 6 000 litres pour la questch, 6 300 litres pour la mirabelle,
500 litres pour la framboise… et pas moins de 23 600 litres pour le whisky !
Les cinq eaux-de-vie alsaciennes, avec au centre le whisky, le seul à connaître un vieillissement en fûts.