par Tony TERRAIN
L’augmentation des prix du whisky, notamment le « haut de gamme », est bien une réalité. Il vous suffit de consulter les tarifs de vos marques préférées pour en être convaincu ! Oui, mais… le whisky est aussi un produit dont le prix évolue cycliquement (expansion, contraction puis crise). Ne serait on pas arrivé à la fin du cycle ? Pour mieux s’en rendre compte, une étude me semble utile…
Pour réaliser cette étude, il fallait trouver un historique suffisamment long en date et composé des références « premium » (voire plus), suffisamment nombreuses et dont la mise sur le marché se fait régulièrement. Je me suis donc orienté tout naturellement vers le numéro un des spiritueux : Diageo.
Pour commencer, un petit historique
En 1995, avec l’intérêt croissant pour les single malts apparurent les Rare Malts. Pendant dix ans ces expressions, provenant de distilleries souvent fermées, très appréciées dans le milieu des amateurs de malts et objet de convoitises pour les collectionneurs, furent composées de véritables pépites dont la rareté augmentait à mesure que les stocks déclinaient. Il y avait alors une demande constante pour des bruts de fût hors du commun, aux caractéristiques uniques et non reproductibles, incluant certains Classic Malts jamais proposés dans la série Rare Malts. Pour y répondre, les Special Releases furent créées en 2001. La première série – 100 bouteilles de Talisker 28 ans d’âge à 43,3 % – se vendit immédiatement, et ce malgré un prix de 600€ (à l’heure de boucler ce texte, une bouteille est encore en vente sur un site Internet de référence, Whisky Exchangepour le citer, au prix de 3 999 £ soit près de 5 600 €).
Un Port Ellen 22 ans d’âge et un Talisker 25 ans d’âge suivirent et s’écoulèrent tout aussi rapidement. Et depuis, tous les ans, Diageo lance sur le marché une série de nouveaux embouteillages (6 à 12 bouteilles selon les années) dont les prix ne cessent d’augmenter.
Ainsi, le 20 octobre dernier, la compagnie britannique dévoilait le prix de vente de ses « Special
Releases 2015″….
Les bouteilles
Hormis quelques distilleries récurrentes, pour lesquelles on retrouve tous les ans un embouteillage (Port Ellen, Brora, Lagavulin et Caol Ila unpeated) certes, avec des âges différents, il n’est pas aisé d’établir une comparaison entre les embouteillages de distilleries différentes, c’est la raison pour laquelle j’ai établi des regroupements par âge et « réputation » de la distillerie.
Pour la plupart, elles sont embouteillées au degré naturel et limitées à quelques milliers de bouteilles (3 000 à 7 000 bouteilles sauf pour les versions de Lagavulin de 12 ans et Caol Ila Unpeated qui atteignent quelques dizaines de milliers de bouteilles).
Les augmentations étant moins significatives avant 2008, elles ne figureront pas ci-dessous.
Les prix
Afin de ne pas tenir compte du taux de change qui a fortement fluctué durant ces dernières années, j’ai volontairement conservé les tarifs de vente (en livres sterling, monnaie du pays producteur), lors de leur première émission. Les commentaires sont ici peu utiles et les chiffres
sont assez éloquents. On constate pour 2015 une forte décroissance de l’euro par rapport à la livre sterling, ce qui n’est pas sans conséquences pour l’acheteur.
Conclusion (purement personnelle)
L’augmentation des prix de notre breuvage favori est une réalité, toutefois, on s’aperçoit, que l’année 2015 pourrait annoncer un changement (peut-être durable ?) dans la politique tarifaire des distillateurs. En effet, le marché du whisky de collection (Port Ellen et Brora sont des distilleries fermées depuis 1983 et jouissent d’une excellente réputation auprès des amateurs, collectionneurs et autres spéculateurs), bien qu’il reste en légère progression, est loin des croissances à deux (voire trois) chiffres des années antérieures. Sur les gammes régulières standards (Lagavulin 12 ans) le prix reste stable. On observe même une baisse sur les malts âgés ou très âgés provenant de distilleries qui ne sont pas aussi célèbres que leurs consoeurs.
Pourquoi ce revirement de situation ? C’est tout simplement dû au fait que ces whiskies affichent des tarifs trop élevés pour pléthore d’acquéreurs potentiels et par conséquent pas de preneur. Il n’est pas rare de voir chez bon nombre de distributeurs plusieurs de ces références qui se vendent mal.
En conclusion, en 2015, si le prix de votre whisky a encore subit une augmentation, on peut davantage attribuer ce phénomène au change qu’à une réelle volonté du producteur de faire encore plus de bénéfices…
2016 devrait voir les tarifs du whisky stagner sauf si les cours de l’euro chutent à nouveau !