Le chemin des épices …

Si l’on supprimait l ‘odorat et le goût, nous serions privés de sensations qui alimentent l’esprit et le corps. Les aliments permettraient à la machine de fonctionner et l’alcool de désinhiber notre cerveau. And so what ? Mais ces boissons nous plaisent aussi bien pour la complexité de leurs arômes que pour leurs effets.

Certaines caractéristiques du whisky sont liées aux arômes primaires, subsistant aux différents stades de l’élaboration et à la redoutable distillation, particulièrement les arômes soufrés et tourbés, maltés et  céréaliers. D’autres secondaires, complexes, viendront se fondre progressivement au cours du vieillissement en fût, provenant aussi bien du contenant que du contenu. Mais aussi aux composés empyreumatiques, puissants ou discrets, issus des uns et des autres (goudrons, chocolat, poivres). Etape parfois imprévisible dans le temps et l’espace où la magie opère, dans le silence et la pénombre.

Lors de la dégustation, le caractère « épicé » sera souvent une évidence aromatique venant apporter de la vivacité au whisky avant qu’avec le temps, le « boisé » vienne imposer sa marque. Les poivres, la cannelle, le gingembre, la vanille ou la muscade seront les plus fréquemment révélés par ces substances volatiles.

Depuis l’Antiquité, les épices ont apporté la fantaisie dans notre ordinaire, parfois avec des intérêts louables comme en médecine… Voila bien ce qui nous différencie d’un vulgum mammifère ! Marcus Apicius, gastronome et cuisinier, réputé chez les Romains, maniait déjà parait-il plantes aromatiques et épices avec dextérité et dans la mythologie gréco- romaine les boissons offertes aux Dieux s’agrémentaient  nécessairement d’épices et de plantes réputées.

Produits toujours recherchés, chers mais faciles à transporter, les routes transitent d’abord par le Moyen Orient avant que d’innombrables découvreurs, Marco Polo, Vasco de Gamma, Christophe Colomb, Magellan, aient tour à tour cherché les meilleures voies pour s’approcher de l’Inde et de la Chine.

Les épices, partie des plantes aromatiques, soit de graines, de fruits, de racines ou de feuilles, tantôt conservateurs, souvent assaisonnements, réputées pour leurs vertus médicinales, notre imagination fut sans limite, sauf celle de notre odorat et de notre goût.

Beaucoup de boissons alcooliques « travaillées » à partir d’un alcool neutre font appel à de multiples épices pour affirmer leur originalité, gins, vodkas, liqueurs, avec des décoctions, des macérations ou des infusions, mais dans le whisky l’alchimie vient surtout du bois, de ses multiples variétés, de son évolution ainsi l’amplitude et la qualité des arômes sera longtemps imprévisible, laissant à l’homme la subjectivité de ses choix.

Malgré tout, ces senteurs exotiques ne nous éloignent pas longtemps des brumes d’Écosse.

Gérard TRENTESAUX