Les MATHEMATICIENS , dans leur grande sagesse, affirment que les parallèles se rejoignent à l’infini. Rassurez-vous, je ne suis pas sage, et je n’ai pas attendu d’atteindre l’infini pour allier la dégustation d’un malt ou d’un rhum et d’une vitole.
Ces mondes parallèles se rejoignent dans leurs vocabulaires, leurs traditions, leurs dégustations, leurs terroirs…
Terroirs, le mot est lâché. S’il est courant de parler de terroirs pour un cigare – le terroir désignant couramment un pays ou une région d’un pays -, les amateurs de whisky sont plus frileux pour utiliser ce vocable. L’INAO (Institut National de l’Origine et de la Qualité) définit le terroir comme étant « un espace géographique limité dans lequel une communauté humaine construit au cours de son histoire un savoir-faire collectif, fondé sur un système d’interactions entre un milieu physique et biologique et un ensemble de facteurs humains ». Les itinéraires techniques ainsi mis en jeu révèlent une originalité, confèrent une typicité et aboutissent à une réputation pour un produit originaire de cet espace. On ne demande pas grand-chose à un cigare, pas plus qu’à un whisky, sinon qu’il nous plaise. C’est pour cette raison qu’il n’existe pas de « meilleur cigare », de « meilleur whisky », comme il n’existe pas de « meilleur vin ». Tout est question de goût, d’humeur, d’affinités, de temps à consacrer à la dégustation ainsi que des conditions dans lesquelles s’opèrent cette dégustation. Seul, après une promenade en campagne, ou pendant la retransmission d’un match de rugby ; ou mieux, entre amis, devant un feu de cheminée, car la notion de plaisir n’est jamais très éloignée de la notion de partage. Il en est des alliances entre le cigare et les spiritueux comme des mariages entre un homme et une femme : tantôt douces, sensuelles, explosives, voire plus si affinités…Une alliance complexe
On peut allier la dégustation d’un cigare avec celle d’un vin, d’une eau-de-vie, d’un thé, d’un café ou même d’un carré de chocolat, mais le mariage le plus abouti reste celui qu’il réalise avec les alcools bruns. Le cigare s’allie merveilleusement avec un rhum, un cognac ou un armagnac, nous aurons l’occasion d’y revenir dans une prochaine rubrique. Concentrons-nous aujourd’hui sur son alliance avec le whisky. Cette alliance qui peut paraître évidente est en fait plus complexe qu’il n’y parait. Il y a en fait un pays « historique » pour chacun : Cuba pour le cigare, l’Écosse pour le whisky. Mais la concurrence est désormais sévère. Le Honduras, le Nicaragua, la République Dominicaine talonnent Cuba et produisent également d’excellentes vitoles. De même, l’Écosse se voit concurrencée par le Japon, les États-Unis, voire l’Inde qui remportent bien des prix internationaux. De cette diversité naît la complexité des alliances.
Doit-on associer un puissant cigare cubain (Bolivar, Cohiba, et dans une moindre mesure Ramon Allones) à un Islay puissamment tourbé (Caol Ila, Ardbeg), c’est-à-dire privilégier les ressemblances et jouer sur la cohérence ; ou, au contraire jouer sur les complémentarités en prenant le risque que le plus léger soit écrasé par le plus puissant ?
De plus, les meilleurs cigares évoluent durant la dégustation. La règle des trois tiers est bien connue des « aficionados del tabaco » : l’attaque, le corps, la charge, les poètes préfèrent parler de foin, de divin, de purin. Les arômes du whisky également vont évoluer avec son aération et sa respiration. Alors pourquoi pas trois whiskies durant la dégustation d’un même cigare. L’idée est à creuser !
Et pour ne pas vous laisser sur votre faim, je conclurai ce premier article par deux alliances cigare-whisky, qui n’engagent que moi-même : Deux produits de grande personnalité, qui se complètent sans jamais prendre le pas l’un sur l’autre. A bientôt, et si vous aimez cette rubrique, nous continuerons sur des alliances cigare et rhum…
DON TOMAS
&
GLENROTHES 12 ans
DON TOMAS Clasico N° 4
Ce cigare est un petit Corona 127 x 16,70 mm Produit dans l’est du Honduras dans la région de Danli. Ce n’est pas un Puro, la tripe venant du Nicaragua.
Dégustation
- Tirage Facile.
- A cru Herbe sèche.
- Attaque Discrète note sucrée.
- Corps Palette aromatique restreinte, portant principalement vers des notes de café torréfié.
- Charge Puissant, relevé, notes poivrées.
- Cendre Très dense, de bonne tenue.
- Fumée Dense, beaucoup d’olfaction.
Glenrothes 12 ans
Réduit à 46°. A bénéficié d’une finition en fût de pedro Ximenez.
Non filtré à froid. Issu de la région du Speyside, située à Rothes, cette distillerie compte aujourd’hui dix alambics. Ses malts sont rares en embouteillage single.
Dégustation
- Robe : Ambrée aux notes orangées.
- Nez : Fruits rouges et de cire d’abeille, sur une base bien maltée.
- Attaque : Assez moelleuse, suivie par une belle vivacité épicée (poivre noir).
- Corps : Bien charpenté, avec une riche palette aromatique.
Un bon mariage pour l’apéritif, ou en après-midi avant d’autres produits plus roboratifs.
BOLIVAR ROYAL CORONAS
&
ARDBEG 11 ans
BOLIVAR ROYAL CORONAS
Un puro Cubain, c’est un module Robusto de 124 x 19,84 mm agrémenté d’une cape colorado maduro.
Dégustation
- Tirage Un peu dense.
- A cru Terreux, notes de sous-bois.
- Attaque Boisé et terreux.
- Corps Notes de café grillé, légèrement empyreumatique, puis cuir et cacao. Notes de poivre.
- Charge Puissant et boisé.
- Cendre Gris-noir, peu dense.
Un Robusto puissant et généreux, à la palette aromatique
riche, restant typique de la rusticité cubaine.
WHISKY ARDBEG 11 ans
Réduit, embouteillage Chieftains non filtré à froid.
Tourbe et élégance, tels sont les deux traits dominants des
malts de cette distillerie d’Islay.
Sa spécificité provient surtout d’un dispositif de purification en haut du deuxième alambic, qui conserve le meilleur de la tourbe en lui évitant toute âcreté.
Dégustation
- Robe : Jaune pâle.
- Nez : Fruits rouges et de cire d’abeille, sur une base bien maltée.
- Attaque : Puissante, bien tourbée, suivie par un corps plein et riche.
- Corps : La tourbe fumée s’exprime avec ampleur, sans fausse note, ni âcreté, accompagnée d’un certain moelleux, proche de la cire d’abeille. Finale longue, épicée, tourbée.
Marc GOUBERT