J’y pense et puis… j’oublie

La mémoire, ce prodigieux outil permettant de stocker de conserver et de rappeler des informations, des faits ou encore des gestes venant de nos expériences passées. À tout instant, elle sera sollicitée pour retrouver un souvenir enfoui dans un recoin de notre cerveau ou encore emmagasiner une nouvelle information perçue par nos sens. Tout ce qui nous relie au monde, l’ouïe, la vue, le toucher, notre odorat ou encore notre goût va nourrir à court terme nos petites cellules nerveuses, puis tout sera rangé, stocké pour notre savoir-faire, notre culture ou notre expérience personnelle. Rien ne sera perdu, tant que subsiste l’intégrité de notre être…

Tout comme Marcel Proust qui avait senti une part de son enfance se réveiller en croquant sa madeleine, vos souvenirs, prennent aussi des chemins détournés et incontrôlables avant de remonter comme des bulles d’air à la surface de l’eau. On peut croire qu’ils ont été effacés, il n’en est rien et cela nourrit notre présent. Les mémoires olfactive et gustative paraissent plus éphémères que ce que nous apporte la vue. Mais tout est lié à la qualité de l’expérience. Un bon livre, un bon whisky, lequel des deux marquera notre mémoire ? Duquel aimerons-nous parler à nos amis ? Chacun raconte des histoires différentes, incomparables, mais la passion du lecteur ou du collectionneur reste la même.

Chez Jack Kérouac, addict à l’écriture et au whisky, on ne voit pas la différence entre la passion de l’une et de l’autre, mais là il s’agit d’une autre histoire, d’une dérive inéluctable bien éloignée de notre plaisir hédoniste. L’auteur du Vagabond solitaire et de Sur la route ne voit pas l’un sans l’autre. Paix à son âme et à sa bande de Clochards célestes.
Il est des choses auxquelles nous garderons longtemps certaines ressemblances, par les impressions qu’elles ont provoquées et qui s’imprimera dans notre mémoire, comme pour une belle édition, une lecture rare, un précieux millésime ou un exceptionnel flacon. Si nous avons eu la patience de le conserver, si la bouteille est poussiéreuse, le whisky ne vieillit pas avec le temps et comme le livre enfoui dans notre bibliothèque, l’histoire restera la même. Mais comme certains livres qui racontent les histoires passées, il est des whiskies qui  restent de vraies légendes, et qui comme eux, s’enjolivent avec le temps et avec le plaisir que l’on aura à l’évoquer, s’éloignant parfois un peu de la vérité, mais quelle importance !

Alors bonne lecture et bonne dégustation !

Gérard TRENTESAUX