Où ?
Au coeur du Speyside, dans les Highlands, sur un coteau dominant la rivière Spey. Une région longtemps le repaire des distillateurs clandestins, avant la législation de 1824. Le nom, signifiant “rocher noir” en gaélique, s’est orthographié notamment Cardow ou Cardoor, que l’on a retrouvé sur certaines versions du malt.
Quand ?
La date officielle de sa création est 1824, juste après la légalisation de la distillation dans les Highlands. Mais Cardhu est probablement plus ancienne, son fondateur ayant été plusieurs fois condamné pour distillation illicite. Elle a été fortement remaniée en 1872, puis en 1961. Le nom de Cardhu est généralisé et officialisé qu’à partir de 1981.
Qui ?
John Cumming, fermier à l’origine, a longtemps distillé clandestinement, avant de prendre une licence officielle. Il avait bénéficié de l’aide de sa femme Helen : lorsque les agents des impôts étaient en tournée dans la région, elle les accueillait très chaleureusement dans sa ferme… tout en hissant un drapeau qui prévenait les clandestins du secteur de se tenir tranquilles !
Lewis Cumming succède à son père, mais c’est sa femme, Elizabeth, qui va profondément marquer le destin de Cardhu. Devenue veuve, elle commence par rénover complètement les installations, tout en développant la vente de son malt auprès des blenders. Son sens des affaires lui vaudra le surnom de “reine du commerce du whisky”. Mais elle saura résister aux sirènes des acheteurs pendant une vingtaine d’années. Finalement, elle accède à l’offre de John Walker & Sons, dont Cardhu était déjà une composante importante des blends Johnnie Walker. Encore mit-elle à cette cession des conditions précises, comme le maintien de son fils John à la direction de la distillerie. Et son petit-fils Ronald devint par la suite un dirigeant important du groupe DCL, leader du marché du whisky.
Comment ?
Plusieurs fois remaniée, notamment en 1961, la distillerie compte six alambics, permettant une production dépassant les 3 millions de litres. Son eau, non tourbée, arrive par un conduit particulier de 2 kilomètres de long. Le vieillissement se fait uniquement en fûts de bourbon.
Quoi ?
Longtemps exclusivement destinés aux blends Johnnie Walker et autres de DCL (devenu UDV puis Diageo), les malts de Cardhu n’ont été commercialisés qu’à la fin des années 60 en single, dans une bouteille originale aux formes arrondies.
De quoi renforcer – s’il en était besoin – le caractère féminin de ce malt. Dans sa version 12 ans, longtemps la seule disponible, il est en effet très rond et coulant, tout en offrant une tonalité plutôt sèche pour un Speyside, avec de fines notes miellées et fruitées, sur un fond vanillé à peine marqué par une pointe de tourbe.
Les autres versions – dont un 25 ans de 1973 (collection Rare Malts) – sont beaucoup plus rares, y compris chez les embouteilleurs indépendants.
Face au succès croissant (c’est l’un des malts les plus vendus dans le monde), Diageo a pris en 2002 une décision qui a créé une véritable tempête dans le monde du whisky. La production n’étant plus suffisante pour satisfaire les besoins des marchés, il a remplacé le single malt par un pure malt, mais en lui conservant son nom de Cardhu !
Le tollé a été général : comment pouvait-on procéder ainsi, en portant atteinte à un principe fondamental ? Une distillerie ne peut pas donner son nom à un pure malt (assemblage de différents malts), sinon toute la légitimité des single malts en serait bafoué.
Question de principes plus qu’autre chose, puisque, à la dégustation, le pure malt ressemble au single comme à un frère jumeau !
Devant la levée de boucliers quasi unanime, Diageo n’a mis que quelques mois à faire amende honorable et à retirer le pure malt du circuit et réintroduire le single. Avis aux fouineurs pour qui la découverte d’une bouteille de pure malt Cardhu représentera à l’avenir un certain intérêt.
Au passage, la règlementation sur le nom des single malts a été renforcée, pour éviter tout nouveau dérapage du même genre. Quant à la dénomination de pure malt, elle a été purement et simplement supprimée, et remplacée par blended malt… ce qui a généré bien des polémiques aussi !