Aussi proches soient-ils par la géographie ou la langue, et réclamant l’un comme l’autre la paternité de l’invention du whisky, l’Irlande et l’Ecosse pratiquent des voies pourtant bien différentes pour élaborer une eau-de-vie à base de céréales. En Irlande, il n’est pas fait usage de la tourbe lors du maltage, alors qu’elle est pourtant abondante dans l’île. Les alambics sont nettement plus grands qu’en Écosse. Enfin, la triple distillation est généralisée, alors qu’elle est exceptionnelle chez les Écossais.
Mais pour les distillateurs irlandais, l’approche n’est tout simplement pas la même. La différenciation entre blends et single malts n’a guère de sens pour eux, de même que les longs vieillissements, voire les bruts de fût…
Ici, tout repose sur la distillation. La matière première peut être de l’orge non malté, du malt, voire dans le passé de l’avoine ou du seigle. Pour en tirer la quintessence, le distillateur utilise les deux techniques existantes, l’alambic et la distillation en continu. L’eau-de-vie subit une triple distillation, qui peut combiner les deux techniques, ou n’en utiliser qu’une seule.
Le résultat est là : dans la seule distillerie de Midleton, on élabore avec les mêmes alambics des whiskeys aussi différents que Jameson, Paddy, John Power ou Tullamore Dew. Or, elles ont pour la plupart été élaborées au cours des siècles dans deux distilleries différentes, sinon dans trois ou quatre… Une alchimie impensable en Écosse.
Grandeur et décadence
Si le whiskey irlandais a connu son âge d’or à la fin du 19ème siècle et au début du 20ème siècle, au point de supplanter le scotch sur de nombreux marchés, la crise agricole puis la Prohibition américaine vont lui porter un coup fatal.
Après la Seconde Guerre Mondiale, quatre survivants, Jameson, Power, Cork et Tullamore décide de s’unir en 1966 et fonde le groupe Irish Distillers. Ils concentrent leurs moyens dans une seule distillerie moderne, à Midleton au sud de l’Irlande. En 1972, ils sont rejoints par Old Bushmills, située en Ulster, et sont maintenant sous le contrôle du français Pernod-Ricard.
Par ailleurs, en 1987, renaissait à Cooley une ancienne distillerie. Tout en rénovant sa distillerie, cette nouvelle société a remis sur le marché à partir de 1992 plusieurs marques, autrefois prestigieuses, comme Tyrconnell, Kilbeggan et Locke’s, contribuant ainsi à élargir l’éventail aromatique des whiskeys irlandais.