Attentif, les yeux plissés dans un intense effort de concentration, aucune trace d’inattention dans le regard, essayant de retrouver là, dans le breuvage doré ce que nous dit le commentateur, interprète initié de nos élixirs.
Le nez au dessus du verre essaye de capter les arômes multiples, saisir les dominantes, analyser les harmoniques, appelle sa mémoire olfactive, désorienté par la complexité des sensations qui l’envahissent, parfois par le picotement du whisky non réduit ( et qu’un peu d’eau pourrait estomper…)et qu’il faudrait traduire, puisqu’il faut des mots pour le dire , tel est l’amateur du Clan au cours de la dégustation !
Et puis là sur la langue, d’autres sensations, moins subtiles peut-être, la brûlure de l’alcool qu’il faut ignorer, la rétro olfaction, l’onctuosité sucrée ou l’amertume, l’astringence qui resserre les papilles, la finale par laquelle le bouquet s’exprime, mêlant l’odorat et le goût, la persistance qui prolongera le souvenir pendant quelques instants…Après quoi, les avis s’expriment et bien souvent divergent curieusement de ce que l’on nous aura suggéré.
Mais ne lit-on pas sous la plume des nez les plus subtils et des plus éminents palais et pour un même élixir : « nez : de la pâte brisée sortie du four pour l’un, et pour l’autre : herbacé, poire verte, noisettes…. ». Ou encore : « nez : cuir neuf, croûte de porc, ou Loukoum, résineux, écorces d’oranges…. » plus loin « nez :noisette, cacao en poudre, foin, pour l’un, tarte au citron, agrumes, marmelade d’orange, pour l’autre….. ».
Troublant, is’t it ? Mais rien d’anormal dans tout cela, puisqu’au delà d’une description purement analytique qui se veut la plus objective possible, au delà des arômes fondamentaux, le fruité, le boisé, le tourbé, le floral, le soufré, le vineux etc.. et de leurs déclinaisons, intervient toute la personnalité et la subjectivité du traducteur, ses sensations propres, ses impressions, comparant le présent à des expériences olfactives passées (Proust où est-tu…..), subissant aussi l’influence du moment et du lieu.
Comme la musique et le chant modifient notre état d’âme, le whisky transcende-t-il nos sens ?
Cet alcool de céréales n’aurait sans doute pas grand chose à dire, s’il n’y avait l’apport de la tourbe et de l’alambic et qu’au delà d’arômes originels, maltés, tourbés, nos whiskies se recouvrent pour l’essentiel des arômes du bois, et du vin ou des alcools qui l’auront imprégné, aboutissant par l’alchimie de leurs apports organoleptiques, à cet extraordinaire richesse et cette infinie variété d’arômes qu’il faudra bien décoder.
Alors s’il vous plait durant nos dégustations, n’ayez pas honte de dire ce que vous ressentez, laissez vous aller à vos propres impressions, utilisez votre propre vocabulaire. Échangeons, laissons libre cours à notre interprétation qui va chercher dans des évocations personnelles ce qui fait notre singularité. Voilà aussi où se trouve l’intérêt et la réussite d’une dégustation et ne mettons pas l’analyse avant la notion de plaisir.
Gérard TRENTESAUX