Encore une tradition du Clan, quelques stakhanovistes du whisky, restés début août à Paris, se recueillirent devant quelques belles bouteilles distinguées au cours de l’année. L’occasion pour eux d’évoquer le passé et de discuter du présent, du prix des belles bouteilles ou de leur rareté, de regretter celle-ci ou celle-là qui ne seraient plus que des souvenirs.
Déjà en 1997, notre ami François-Xavier Dugas, dans un discours prémonitoire (désormais célèbre…..) devant l’assemblée constituante du Clan des Grands Malts, évoquait l’envolée des cours et la raréfaction de l’offre des single malts, liés aux problèmes de change et à la demande très forte des marchés émergents (déjà eux !!)
Et pourtant quelle belle époque, où pour une poignée de dollars, l’amateur du Clan semblait pouvoir s’offrir de rares et fabuleuses bouteilles encore méconnues du vulgum pecus: Un Port Ellen 18 ans à 380 francs, un Highland Park 24 ans à 590 francs, ou encore débourser 450 francs pour un Ardbeg 75, le Macallan 19 ans ne valait encore que 425 francs et le Bowmore 17 ans 355 francs. Quant au Dalmore 22 ans, il paraîtrait donné.
L’acteur Chic Murray tournant en dérision la réputation d’avarice des Ecossais, racontait: « Mon père était plus généreux que bien des hommes. Il possédait une très belle montre en or, qu’il a accepté de me vendre sur son lit de mort. Cette montre à laquelle je tenais, je la lui ai payée par chèque…. »
On pourrait tenir nos amis Ecossais pour seuls responsables de l’envolée des prix et de la plus grande rareté des beaux produits, ou encore les groupes soucieux de développer des produits ‘’ premiums’’, ou la demande des nouveaux consommateurs (mais n’étions pas de nouveaux consommateurs il y a quelques années ?), et pourquoi pas les distributeurs, le prix de l’orge, ou encore la notoriété de tel ou tel, la confidentialité de tel autre ? Plus simplement, comme pour le pétrole, le whisky obéit aux lois du marché, à l’offre et à la demande, et pourquoi devrions nous y échapper ?
Le pétrole sans doute encore indispensable pour se déplacer, le whisky pour rêver peut-être, comme pour le pétrole, quel prix sommes nous prêts à accepter avant de réduire notre consommation ou notre fièvre de collection. L’éternelle discussion, et cela vaut pour bien des choses.
Pourrons nous maintenir dans les années futures une démarche hédoniste où la recherche du plaisir est un fondement de la morale, ou bien Epicuriens ou disciples de Lucrèce, nous devront nous affranchir de nos passions pour atteindre au plaisir.
Restons optimiste, on pourrait dire ’’ les choses ont bien changé’’, des règlements chaque jour plus contraignants, des prix souvent dissuasifs, des perles inaccessibles, la fièvre des enchères sur Internet et pourtant le marché ne s’est jamais si bien porté !
Le Clan non plus d’ailleurs, toujours à la recherche du bon et du vrai, pour dénicher de ci de là l’exception qui nourrira nos souvenirs.
Slainte,
Gérard TRENTESAUX